Les comptes: un exercice de style

Les comptes sont toujours un exercice amusant. Interrogé par Canal pour savoir pourquoi le groupe n'était pas véritablement enthousiaste, je me suis d'abord empêtré sur une explication sur le fonctionnement des mécanismes de freins aux dépenses et à l'endettement, avant de tenter vainement une explication sur les problèmes liés aux conséquences des bouclements intermédiaires. Dans un cas comme dans l'autre, les quelques secondes d'antennes ne permettent simplement pas l'exercice. Je vous livre donc quelques morceaux de l'intervention, histoire de clarifier.

Les comptes 2009 de l'Etat de Neuchâtel seront pour certains mauvais parce que nos voisins font mieux, voire même beaucoup mieux. Pour d’autres, à l'image du groupe PopVertsSol, ils sont moins mauvais qu’on aurait pu l'imaginer. D'abord parce qu'ils sont, avant écritures, de près de 15 millions meilleurs que le budget. Ensuite parce que dans la très dure crise économique que traverse aujourd'hui le canton de Neuchâtel, la tenue des comptes a été bonne.

Mais il y a une série de problèmes...

Les écritures du bouclement qui versent une partie du « bénéfice » – si l'on accepte l'idée toute neuchâteloise que la limite du frein soit notre « zéro » en termes comptables – dans des fonds ne nous dérangent pas en soit. Mais lorsqu'il s'agit de créer des réserves pour investissements futurs, aussi indispensables soient-ils pour le canton, nous avons plus de peine. Pas par orthodoxie comptable, rassurez-vous, mais plutôt parce que ceci masque notre incapacité à réformer ces mécanismes de freins qui nous empêchent d'investir lorsque nous avons besoin. Notre Conseil s'est assez violement écharpé voilà un mois sur la question des mécanismes et de la possibilité de les lever. La question que nous devons nous poser reste celle de savoir si nous ne devons pas une fois, ensemble, prendre le temps de revoir ces mécanismes pour les adapter et répondre aux problèmes importants qu'ils posent actuellement, en particulier en matière d'investissements. Il nous semble en effet que cette réserve pour investissements futurs n’est finalement qu'une réserve de contournement des mécanismes, et je ne vous cacherais pas que certains au sein du groupe se sont exprimés de manière virulente contre cette manière de vouloir conserver les mécanismes intactes tout en mettant tout en œuvre pour les contourner. Pas parce que nous aimons tant ces mécanismes, mais plutôt parce que leur respect à la lettre mettra un jour leurs plus ardents défenseurs au pied du mur.

Et oui, le Conseil d'Etat a décidé de planquer 12 millions au chaud (la fameuse réserve) pour pouvoir se payer, entre autres à hauteur de 8 millions, le futur bâtiment de l'EPFL-IMT (le reste des 80 millions que coûtera cette chose sera pris en charge par la banque cantonale).

Il est inadmissible que le Conseil d’Etat n’engage pas les investissements qui lui sont octroyés. Nous pouvons comprendre qu’il y ait des raisons extérieures et objectives, mais ne nous pouvons qu’appeler le gouvernement et le Grand Conseil à chercher des pistes pour sortir de ce problème. Certaines avaient été proposées par nos collègues socialistes, peut-être est-il temps de s’y pencher plus à fond. Les investissements, en particulier en temps de crise, sont indispensables et font survivre un peu notre économie. Ne nous mettons pas des barrières, et utilisons-les.

Et oui, près de 20 millions n'ont pas été investis (rappelons qu'un investissement n'est pas une dépense de fonctionnement, c'est par exemple la réfection d'une route, qui sera payée à long terme).

Nous aimerions revenir sur la manière dont le Conseil d’Etat a imposé des mesures d’économies drastiques à l’administration, dans l’urgence suite au bouclement intermédiaire des comptes dès le milieu de l’année 2009. Si l’on en croit le rapport de gestion, ces mesures ont permis d’économiser environ 16 millions de francs, soit plus ou moins la différence entre le budget accepté en décembre 2008 par le Grand Conseil et le résultat réel des comptes.  Ces économies ont effectivement permis les mises en réserves et fonds citées précédemment, mais elles ont également fortement mis sous pression les services et certains prestataires externes qui du coup ont dû faire porter une partie des mesures par une partie de la population, souvent parmi les plus fragiles. Le Conseil d’Etat nous répondra sans doute que le budget est une autorisation à dépenser plutôt qu’une obligation de le faire. Soit. Mais ces mesures se basent sur des chiffres du bouclement que nous savons faux, et qui pourraient même aller à l’encontre de la volonté d’économies affichées par le Conseil d’Etat. En effet, lorsqu’on apprend que certains services n’hésitent plus à dépenser (ou sont heureux de le faire) un maximum avant le mois d’août pour éviter les coupes, on se dit que quelque chose ne tourne pas rond. Nous prendrons un autre exemple. En décembre 2008, lors du budget, notre Conseil demandait au Conseil d’Etat d’octroyer des bourses plus conséquentes aux étudiants. Comme c’est une dépense d’intensité, le nombre de bourses a logiquement augmenté, de même que les montants « globaux » octroyés. Mais le Conseil d’Etat, en voyant les chiffres du bouclement intermédiaire, a préféré ne pas adapter les barèmes. Il a donc fait l’inverse de ce que nous lui avons demandé.

Pour toutes ces raisons, nous aimerions (et nous ferons en sorte) qu’à l’avenir le gouvernement respecte mieux les directives que lui donne le Grand Conseil lors du budget. Il en va à notre avis de la crédibilité de nos institutions.

Et toc. Maintenant si quelqu'un a une solution pour expliquer tout ça en 20 secondes à la télé, je suis preneur...

« La taxe Robin des bois Popvertssol est-il mort ? »