Budget 2014: non merci!
Voici l'intervention à l'appui du refus par notre groupe du budget 2014 de l'Etat de Neuchâtel.
Le budget tel que présenté par le Conseil d’Etat est une recherche d’équilibres. Il a d’abord fallu jongler avec la situation catastrophique léguée par l’ancienne majorité libérale-radicale. Il y a une année, nous disions que le budget 2013 était bâclé, qu’il sentait l’électoralisme et qu’il ne reflétait pas la réalité des chiffres. Les augmentations de charges entre les budgets 2013 et 14 le démontrent de manière catastrophique. Le Conseil d’Etat a dû également faire dans l’urgence, avec un collège presque entièrement renouvelé. Finalement, il a fallu faire avec les augmentations de charges liées à la recapitalisation de la caisse de pension. Nous pouvons ainsi accepter le caractère exceptionnel de ce budget. Le Conseil d’Etat a également démontré sa capacité à ne pas rester à ras les chiffres pour donner au budget une véritable vision politique, ce que nous saluons. Finalement, nous saluons la volonté du gouvernement de ne pas stopper net les investissements. Des investissements qui sont importants pour l’avenir du canton. Le groupe PVS apprécie donc la transparence du gouvernement, le fait qu’il inscrive son budget dans une vision politique, à laquelle nous pouvons partiellement souscrire, et finalement sa capacité à fonctionner collégialement pour présenter au Grand Conseil un budget décent dans une situation difficile. Nous ne pouvons que le remercier pour son travail, de même que l’ensemble des services et du personnel de l’Etat
Mais il y a des mais. (J’ai récemment lu dans la préface d’un livre : « ne retiens jamais ce qui vient avant le « mais » dans un texte, à part les remerciements »).
Malheureusement pour le groupe PVS, le budget 2014 est inacceptable, parce qu’il fait de la casse dans tous les domaines, dans les prestations, dans la fonction publique, pour les citoyennes et citoyens. Notre groupe le regrette et ne peut se résoudre à accepter un budget dont nous sommes aujourd’hui en partie incapables de mesurer les conséquences concrètes.
Les mesures de recapitalisation de la caisse de pension prises par notre Conseil il y a six mois sont pour les entités qui dépendent de l’Etat et fournissent un service public l’équivalent de coupes linéaires, parce qu’elles ne sont pas compensées par une augmentation des subventions. Une très grande majorité des entités devra faire des économies sur les prestations pour financer les augmentations de charges salariales. Nous avons toutes et tous reçu le courrier du groupe SIDA Neuchâtel. Ne nous demandons pas combien sont dans le même cas : elles le sont quasiment toutes ! Certaines, à l’image de l’Université ont quelques réserves, d’autres pas, parce qu’elles sont trop petites, parce que l’Etat les met au régime sec depuis trop longtemps déjà. Ces coupes linéaires entraîneront des réductions de prestations, pourtant essentielles, souvent pour des personnes déjà fragilisées parmi les citoyennes et citoyens de notre canton. Nous ne pouvons aujourd’hui mesurer l’ampleur de ces coupes.
Notre groupe ne peut également accepter des mesures salariales prises sans concertation avec l’ensemble des partenaires sociaux. Dans sa vision politique, le Conseil d’Etat souhaite ces prochaines années contenir les augmentations de la masse salariale. Pour y parvenir, il devra revoir la Loi sur le statut de la fonction public, il devra mener des négociations difficiles avec ses partenaires sociaux. Nous pouvons souscrire à une révision, parce qu’il faudra un jour un statut de la fonction public qui puisse être appliqué réellement (je vous rappelle que le statut actuel n’a été appliqué que 2 fois au cours des 12 dernières années). Commencer cet exercice difficile par un bras de fer avec les partenaires sociaux est maladroit et contreproductif. La problématique s’applique également aux CCT 21 : comment voulez-vous ouvrir le chantier d’une renégociation de la CCT en renvoyant dos à dos employés et employeurs, en biaisant les règles du jeu et en soumettant l‘ensemble les acteurs sociaux à un dangereux chantage ? Si le gouvernement souhaite réussir ces réformes durant la législature, il devra négocier et fédérer, il devra convaincre. Pour le moment, l’exercice est raté.
Dans le domaine de l’aide sociale, le gouvernement va dans le bon sens en acceptant une réalité : sans investissement conséquent dans l’insertion, dans la formation, nous ne réussirons pas à contenir l’augmentation des dépenses d’aide matérielle. Mais il met la charrue avant les bœufs. Trop de personnes seront doublement pénalisées par les mesures prises : elles verront leur soutien forfaitaire diminuer alors même qu’elles se voient refuser l’accès à une procédure d’insertion, vu l’incapacité de l’Etat à assurer un nombre suffisant de places. Le gouvernement et le parlement doivent prendre conscience que ce n’est pas avec des demi-mesures que l’augmentation continue des charges d’aide matérielle sera contenue, voire inversée. Pour y parvenir, il faudra investir des moyens humains et financiers très importants. Ce n’est malheureusement pas (encore, espérons-le) la voie choisie par le Conseil d’Etat. D’autres mesures dans le domaine touchent durement les familles, les enfants. Des familles et des enfants qui sont déjà durement touchés et auxquels nous ne pouvons nous résoudre à enlever encore plus. Le groupe PVS s’insurge également contre la manie prise ces dernières années de gonfler le compte d’aide matérielle en y transférant des charges. Nous ne prendrons qu’un exemple emblématique : les directions des institutions d’éducation spécialisée ont reçu en octobre une lettre du Conseil d’Etat leur indiquant que dès le 1er janvier, les obligations d’entretien des parents des mineurs placés en institution seront augmentées de 5 francs par jour. Puis cette phrase symptomatique (je cite) : « Certes, le gain sera moindre puisque quelques 60% des parents concernés dépendent de l’aide sociale ». Un des défis de l’aide sociale ces prochaines années sera d’obtenir des chiffres précis, sur les bénéficiaires et sur la comptabilité, pour pouvoir prendre des mesures ciblées.
Le Conseil d’Etat n’a malheureusement pas eu de réflexion sur l’optimisation des revenus. Notre conseil a par exemple accepté il y a quelques temps déjà un postulat sur l’engagement de taxateurs. Nous savons que les taxateurs rapportent, que le travail permet de trouver les tricheurs et de rétablir une certaine forme d’équité devant l’impôt. Nous regrettons que la volonté du gouvernement dans le domaine ne dépasse pas l’intention et le vœu pieux !
Venons-en maintenant au travail en commission. Notre groupe ne peut que regretter la position dogmatique de l’ensemble de la droite sur la question des mécanismes financiers. Pour maintenir la capacité d’investissement du canton, il était juste de déroger à la règle de l’autofinancement. Le message de la droite est simple : elle souhaite couper encore plus dans les domaines qui touchent durement les plus fragiles pour maintenir la capacité d’investissement dans l’infrastructure routière. La majorité de la commission des finances n’a pas fait preuve de beaucoup de courage pour faire passer ce budget ; elle a créé des nouveaux écarts statistiques, sur les subventions, les biens, services et marchandises et renforcé ceux sur le personnel. Toutes les mesures prises devront être choisies et mises en œuvre par le Conseil d’Etat. A charge pour lui de faire des choix et surtout, d’en subir les conséquences dans ses relations avec le personnel, avec les partenaires sociaux, avec les institutions, et finalement d’en subir les conséquences politiques pour le futur. Rappelons que les écarts statistiques étaient une manière de traduire dans les budgets une réalité : que les charges de personnel étaient souvent, mais pas toujours, inférieurs au moment des comptes, par rapport à ce qui avait été budgété. De cette pratique, nous sommes passés depuis deux ans à une autre : les écarts statistiques sont devenus des « incitations à faire des économies ». Nous l’appelons autrement : les écarts statistiques sont des mécanismes de contournement des mécanismes financiers. Personne n’a d’ailleurs vérifié que les écarts statistiques se réalisent dans la réalité. Nous demandons au gouvernement d’être vigilant pour que ces économies supplémentaires soient faites avec discernement. De plus, depuis des années, nous demandons une modification des règles appliquées aux délais de carence, des règles iniques qui pressurent les services et font que les services publics sont de moins en moins des services, malgré la bonne volonté des employées et employés. Comment voulez-vous par exemple traiter des oppositions en un minimum de temps avec des sous-effectifs chroniques ? Les écarts statistiques ne sont rien d’autres qu’un renforcement de ses règles qui démobilisent le personnel, qui déstructurent le fonctionnement des services.
Notre groupe refusera donc toutes propositions qui péjorent encore plus la situation des institutions, des services, du personnel. Surtout si nous ne savons et pas où et comment ces péjorations seront opérées. Il refusera donc la plupart des propositions de la majorité de la commission.
Nous aimerions aborder un dernier point. Le peuple neuchâtelois a accepté il y a plus d’une année une modification de la Constitution qui stipule que les lois et décrets qui entraînent des économies importantes pour le canton, lorsqu’ils sont adoptés en vue de respecter les dispositions prévues par la loi en matière de limite de l’endettement sont votés à la majorité des 3/5ème. Nous ne pouvons que regretter que le Grand Conseil n’ait à l’époque pas inscrit de disposition transitoire dans la Constitution et que le Conseil d’Etat ait mis tant de temps à prévoir une modification des dispositions qui permettent l’application de cette disposition. Le débat budgétaire aurait pris aujourd’hui une autre tournure si nous avions dû trouver une majorité qualifiée.

