airbnb, Uber, quelles législations ?
Les plateformes de services en ligne sont en pleine expansion. Elles offrent des opportunités économiques locales en rapprochant des millions de clientes et clients de centaines de milliers de fournisseurs de services. Elles nous obligent à adapter nos législations pour que chacun soit logé à la même enseigne.
airbnb par exemple permet à chacune et chacun de mettre à disposition à la nuitée, par semaine ou au mois un appartement, une chambre, ou autre. Les démarches pour cela sont minimales : s’inscrire en quelques clics, présenter en quelques mots et images l’objet à louer et attendre ses premiers clients, qui sont potentiellement des millions. Aucun autre système ne permet véritablement cela : en tout cas pas Tourisme neuchâtelois ou l’association suisse des Bed & Breakfast. Et le coût n’est pas plus élevé que ces structures (quelques dizaines de francs par nuit ou centaine de francs par année). La révolution du secteur de l’hôtellerie se fera donc à marche forcée.
Loin de moi l’idée de critiquer le système. Il offre des opportunités économiques intéressantes, avec des coûts de départ réduits, des millions de client potentiels d’ici et d’ailleurs, une plateforme informatique performante et j’en passe.
Les neuchâteloises et neuchâtelois l’ont d’ailleurs bien compris : de nombreux objets sont à louer sur airbnb dans le canton, à des prix variant entre quelques dizaines et plusieurs centaines de francs la nuit. Les commentaires montrent que l’accueil est de qualité. C’est là toute la force de ce système, ce sont les clientes et clients qui par leurs notations poussent les prestataires à améliorer leurs services et répondre aux critiques. La médiocrité est rapidement évincée par la concurrence.
Si au début l’offre était avant tout « amateur », ce n’est plus le cas. Les opportunités économiques sont réelles et elles modifient le paysage économique du tourisme. Dans les zones touristiques, il n’est pas rare de voir des personnes (ou des entreprises) louer un objet spécifiquement pour le sous-louer à la nuitée ou à la semaine sur airbnb. De manière de boucler les fins de mois, airbnb pourrait rapidement devenir un marché en soi. En Valais, on estime par exemple que 14 % des nuitées sont effectuées en dehors du marché hôtelier et para-hôtelier classique.
Cette expansion d’un nouveau marché, éloigné des circuits économiques classiques, pose la question de son contrôle. En 2014, notre autorité a révisé la Loi sur la police du commerce. Cette dernière fixe des règles strictes aux propriétaires d’hôtels, de chambres d’hôtes ou de vacances : demander une autorisation, transmettre l’identité des hôtes à la police, percevoir (et reverser à l’État) la taxe de séjour, etc. Le SCAV a ainsi récemment convoqué les propriétaires pour expliquer le nouveau système. Ces contraintes devraient s’appliquer à toutes et tous pour éviter des situations de concurrence déloyale. Sans oublier deux questions fondamentales : la question des obligations fiscales pour des objets qui tombent souvent sous le radar des autorités (ce qui pose la question de la capacité du SCAV à suivre le nombre de nouveaux acteurs sur le marché) et la question non-moins importante de la sous-location de tout ou partie d’un objet payé par l’aide sociale (une problématique qui existe déjà, mais qui pourrait s’accentuer avec les facilités de mise en ligne qu’offre des plateformes comme airbnb).
Uber est une plateforme de location en ligne de taxis / limousines. Comme airbnb, Uber met à disposition une infrastructure informatique qui permet à des millions de clients de réserver à l’avance une voiture, un chauffeur, suivre le trajet, prévoir les coûts de déplacement, etc. Bien plus encore que airbnb, Uber chamboule totalement le secteur des taxis : un des derniers cartels légal, où la qualité du service n’est pas toujours au rendez-vous, et où les entreprises de transports et chauffeurs ont souvent érigés des règles strictes pour s’assurer des courses, parfois aux détriments de la qualité de la prise en charge des clients et d’une certaine forme de concurrence.
Dans le canton, le service n’existe pas encore. Mais la plateforme accepte les préinscriptions et explique qu’elle pourrait activer le service lorsque 100 chauffeurs seront intéressés (ils sont aujourd’hui 80, mais ce chiffre n’a pas changé récemment, et Uber donne peu d’informations).
Uber offre deux services différents : Uber (UberX, etc.) et Uberpop. Si le premier service s’apparente aux taxis standards, la seconde offre est très différente. Elle permet à des privés, de faire des courses pour Uber, à prix réduits, dans leur temps libre (ou pas, c’est bien le problème). La séparation entre services professionnels et occasionnels devient floue. Si l’on en croit la LPCom, les véhicules Uber devraient être assimilés à des taxis. Mais qu’en sera-t-il des véhicules Uberpop ? Si dans le cas de airbnb, le nombre de nuitées différencie (selon la LPCom) un service professionnel d’un service occasionnel, cette distinction n’existe pas vraiment pour les taxis, hormis peut-être à travers la notion de régularité.
Interpellé, le Conseil Fédéral a estimé que les règles actuelles étaient suffisantes et que les cantons devaient règler seuls les problèmes de cohabitation entre les taxis établis et les nouveaux arrivants connectés via Uber. Les chambres fédérales pourraient toutefois devoir reprendre le débat pour répondre à une une résolution déposée par Philippe Nantermod en Valais. Le canton de Neuchâtel, selon la LPCom, délègue aux communes les compétences de réglementer les taxis. Ceci pourrait permettre à Uber de profiter des différences pour s’imposer, par exemple en Ville de Neuchâtel, en s’implantant dans une autre commune de l’agglomération. La région lausannoise a bien compris les enjeux en coordonnant cette réglementation au niveau intercommunal dans l’agglomération. La délégation aux communes fonctionnait dans le modèle actuel, pas sûr pourtant que ce soit encore le cas à l’heure d’Internet.
Une fois de plus, loin de moi de simplement critiquer la nouveauté. J’estime toutefois que la réglementation doit s’adapter au changement pour éviter les situations de concurrences déloyales, pour que chaque fournisseur de service soit logé à la même enseigne. C’est pour cette raisons que j’ai déposé ces deux interpellations.