Discours de la fête du travail
J'étais invité à prendre la parole lors de la fête du travail à Fleurier. Merci aux vallonniers pour l'accueil et la paella !
Chères participantes, chers participant à la fête du travail,
Le 1er mai devrait être une fête, mais les nouvelles ne sont pas bonnes sur divers fronts. J’en retiendrai quelques-unes.
Depuis la suppression du taux plancher de la Banque Nationale, la pression s’est encore accentuée sur les travailleuses et les travailleurs. Augmentation des heures hebdomadaires, pression à la baisse sur les salaires. Les entreprises – via les associations économiques ou les partis qui les défendent – mettent tout mettre en œuvre pour profiter de la crise afin d’augmenter leurs marges et déréguler encore un peu plus le marché du travail : augmenter la flexibilité, augmenter la productivité, baisser les impôts et raboter les prestations sociales. Et nous pouvons être sûrs que toutes les mesures liées au franc fort ne seront pas annulées une fois la crise passée. A cela, nous devons répondre par un renforcement des conventions collectives, par un renforcement des droits des travailleuses et travailleurs, par un renforcement des protections sociales. Par exemple dans l’horlogerie : la plupart des entreprises qui ont pris des mesures fortes en lien avec le franc fort ne sont pas conventionnées. Peut-être faudra-t-il un jour rendre la CCT dans l’horlogerie de force obligatoire, pour quelle s’appliquent à toutes les entreprises et protègent tous les salariés du secteur de la même manière !
Sur le plan international, la protection des travailleuses et travailleurs ne s’améliore pas non plus, bien au contraire. L’accord sur le commerce des services TiSA – négocié plus ou moins secrètement par plusieurs pays – est en fait un gigantesque traité de dérégulation. L’objectif de l’accord et de faire tomber les normes protectrices, celles protégeant les travailleuses et des travailleurs, celles protégeant l’environnement, celles qui protègent notre économie contre les ravages de la libre concurrence. Les maigres avancées obtenues dans les domaines financiers après la crise de 2007 pourraient être abandonnées, livrant l’économie à de nouvelles crises que nous payerons toutes et tous, comme par le passé. L’accord TiSA, comme d’autres accords, en particulier l’accord transatlantique TAFTA, imposent le droit du commerce sans limite comme droit supérieur : les pays doivent niveler par le bas leurs normes et régulations pour faciliter les échanges commerciaux. Ces accords vont jusqu’à empêcher un pays de fixer des normes qui porteraient préjudices aux autres signataires. Et contrairement aux négociations conduites sous l’égide de l’OMC, les négociations sur les nouveaux accords multilatéraux sont conduites dans le plus grand secret. Demain, devrons-nous travailler plus pour gagner moins, manger des OGM et des hormones, devrons-nous subventionner les hôpitaux et les écoles privées au même titre que le public ? Ce sont des années de luttes – pour la responsabilité sociale et environnementale des entreprises – qui pourraient être anéantie par la signature de ces accords ! Ils sont un déni de démocratie, nous devons les combattre par tous les moyens.
La Suisse est dopée par une croissance inédite. Elle est à l’aise dans un 21ème siècle globalisé. Mais ces « victoires » ont des coûts. Socialement, lorsque la Suisse est championne du monde de la productivité* compétitivité,
ce n’est pas pour le bien de toutes et tous. Dix pourcents de la population active au moins ne profitent pas de la santé économique. Ils sont pour diverses raisons les abandonnés de la mondialisation : des personnes
qui ne peuvent pas suivre le rythme imposé, qui finissent à l’AI, au chômage, à l’aide sociale. Le monde politique devra répondre ces prochaines années à ces défis, sans quoi les initiatives comme ECOPOP ou sur
l’immigration de masse continueront à obtenir des scores qui mettent en danger notre tradition d’ouverture, sans répondre aux problèmes qu’elles instrumentalisent. Nous l’avons encore vu au Grand Conseil mercredi.
Lorsque la gauche propose d’encourager la formation continue, de permettre à chacune et chacun de rester à la page, de continuer à se former tout au long de sa vie pour continuer d’être employable dans un marché
du travail de plus en plus compétitif, la droite, UDC en tête, dit non. La droite ne souhaite pas apporter de solutions aux problèmes. Elle ne veut qu’attiser la haine, monter les personnes les unes contre les autres pour
pouvoir continuer d’utiliser son fond de commerce : la peur. C’est inacceptable !
Selon une analyse du très libéral Fonds monétaire international, le déclin des organisations de défenses des salariés augmente les inégalités sociales. Parce que les salariés sont de moins en moins consultés au sein des entreprises, celles-ci augmentent les salaires des dirigeants et les dividendes des actionnaires plutôt que de faire profiter l’ensemble des employés des réussites économiques qui pourtant dépendent de leur travail. Les droits des salariés, la lutte contre les inégalités passent par un renforcement des organisations syndicales.
La lutte contre les inégalités passent aussi par un renforcement des assurances sociales, du rôle de l’Etat comme régulateur social et économique. Seule une gauche forte et surtout unie sera capable de résister aux velléités de démantèlement de la droite. Il faudra que nous nous en souvenions lors des prochaines échéances électorales, fédérales, communales et cantonales. Nos divisions au sein des partis de gauche nous affaiblissent. Nous ne devons pas perdre de vue que nos adversaires politiques sont à droite.
Je vous remercie.
* La Suisse n’est pas championne du monde la productivité, mais de la compétivité, comme l’a très justement rappelé l’émission Factuel sur la RTS le 10 juin 2015 (Mise à jour le 10.06.2015).