Revoir notre modèle démocratique

Le texte qui suit a été envoyé à l'Impartial en tant que lettre de lecteurs il y a une semaine. Il n'a pas été publié, mais aujourd'hui, on peut lire une information du RUN qui en reprend une partie sous forme de question (sans le citer)... Ce n'est peut-être qu'une coïncidence finalement ;-)

Le refus de la déchetterie intercommunale pose une fois de plus toute la problématique de la pertinence de l’échelon communal pour toutes les décisions dont l’implication dépasse le cadre même de la commune (la votation de Colombier sur la ligne 10 est un autre exemple). Dans les institutions politiques suisses, la subsidiarité joue un rôle important, elle prévoit l’allocation du pouvoir à la plus petite entité institutionnelle capable d’en faire usage pour régler un problème particulier. Ce principe est souvent complété par celui de suppléance qui est une délégation à l’entité supérieure pour les questions insolubles de manière efficiente à la plus petite échelle. La gestion des déchets est un domaine typiquement dépendant de multiples niveaux: la Confédération édicte certaines règles, reprises par les cantons et intégrées dans un cadre régional dont l’application est finalement laissée aux communes. Si les déchets non valorisables, la récupération du verre et du papier sont des tâches dont l’ampleur permet d’être typiquement absorbée par les communes, y compris du point de vue financier, il en va tout autrement des déchets spéciaux dont les faibles quantités et la complexité de gestion en font une question qui ne peut plus être gérée au seul niveau communal, et ceci en premier lieu pour des questions financières. En effet, afin d’éviter la multiplication des coûts d’exploitation, ces structures doivent être imaginées à des niveaux régionaux sans pour autant pouvoir être simplement centralisées au niveau cantonal.

D’où un problème de structures institutionnelles : le refus des chaux-de-fonniers a des répercussions largement au-delà des frontières communales : au Locle, à la Sagne et même plus loin. Cette situation nous oblige à dépasser la rigidité des frontières communales tellement les intérêts communs à toute une région doivent primer sur un communalisme qui ne correspond plus toujours à notre monde aujourd’hui. Les communes jouent un rôle important car elles sont garantes de la proximité au sein de notre démocratie. Pourtant, de plus en plus, un grand nombre de questions, liées en particulier au développement durable (énergie, transports, gestion des déchets ou aménagement du territoire) impliquent en termes de gouvernance, des échelles qui dépassent la commune. Il est temps de bousculer une partie de nos institutions pour mieux répondre à ces questions sensibles. Pour certains, les fusions de commune sont la seule issue possible, elles sous-entendent toutefois des questions identitaires fortes et parfois insurmontables. Pour d’autres, les structures inter- et supra-communales actuelles et passées (RUN, syndicats intercommunaux, associations de communes, etc.) sont des réponses satisfaisantes aux tâches à entreprendre nécessairement en commun. Avec toutefois un inconvénient majeur, elles ne sont pas véritablement démocratiques et s’intègrent mal dans notre système institutionnel rigide.

Une vision nouvelle suppose de mettre en place des mécanismes électoraux, démocratiques et financiers qui inventent la commune de demain et prennent en compte la complexité des échelles auxquelles les décisions sont aujourd’hui soumises. A la manière des géographes qui perdent en précision mais gagnent en généralisation lorsqu’ils diminuent l’échelle à laquelle ils regardent notre monde, nous devons imaginer une démocratie qui gagne en généralisation lorsque l’échelle des problèmes augmente tout en conservant une démocratie locale forte pour les questions qui touchent très directement les citoyens dans leur quartier ou leur village. Il en va sans doute de la survie de nos institutions qui, à force de créer des échelons intermédiaires difficilement contrôlables, peu représentatifs et surtout peu démocratiques, perdent toute raison d’être et vident petit à petit les communes de leur substance.

A quand donc une démocratie qui sortent de notre carcan historique pour s’inventer respectivement au niveau du quartier, de l’agglomération ou de la région suivant l’échelle des problèmes, mais qui n’est pas centralisatrice, et qui donne à chacun le pouvoir de décider pour les enjeux qui le touchent directement? Et ceci tout en permettant de prendre en commun les décisions qui concernent l’ensemble d’une région, sans crainte de voir toute velléité de réforme échouer de part les règles d’un communalisme outrancier et désuet ? Le temps est venu d’imaginer une nouvelle forme d’organisation qui dépasse notre vision étriquée des institutions et qui s’inscrivent dans une volonté de renouveler notre contrat commun pour répondre aux défis qui nous attendent.

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