Fusionner? Pour qui et pourquoi...
Je suis tombé par hasard sur un article du journal de SolidaritéS du début du mois d'avril qui me demande de méditer la phrase de Robespierre "Fuyez la manie ancienne des gouvernements de vouloir trop gouverner. Laissez aux individus, laissez aux familles le droit de faire ce qui ne nuit point à autrui. Laissez aux communes le pouvoir de régler elles-mêmes leur propres affaires, en tout ce qui ne tient point essentiellement à l’administration générale de la république" Un intéressant sujet de dissertation...
Cet article de SolidaritéS fait suite à une proposition des Verts au Conseil général commun aux trois villes du mois de mars. Durant notre discours, nous avons proposé un concept: Un canton, Une commune. Cette proposition ne semble pas plaire à SolidaritéS qui voudrait que nous laissions "aux communes le pouvoir de régler elles-mêmes leurs propres affaires"... Nous n'avons jamais dit le contraire. Les problèmes que rencontrent aujourd'hui les communes sont multiples. Au premier rang, on trouve une perte de pouvoir grandissante - une réponse à un Etat de plus en plus centralisateur auquel les communes, souvent divisées, ne sont pas capables d'opposer un véritable contre-pouvoir. Depuis 2004, la commune de la Chaux-de-Fonds, que je connais le mieux, a perdu un tiers environ de son budget et un tiers environ de son personnel. Ceci fait suite à diverses "privatisations" (SIM-SIRUN-VITEOS par exemple), privato-cantonalisations (Hôpital neuchâtelois principalement) et cantonalisations (services informatiques, police, secondaire-2, etc.). Officiellement qualifié de désenchevêtrement des tâches, ce mouvement centralisateur s'apparente de plus en plus à un démantèlement du niveau communal qui est, rappelons-le, une pierre angulaire de notre système démocratique - parce que c'est l'échelon institutionnel le plus proche de la population.
Les communes ont entrepris depuis longtemps de mettre en commun une partie de leurs structures sans pour autant s'attaquer à la question sensible, principalement du point de vue identitaire, des fusions. Les syndicats intercommunaux, les associations communales et plus récemment le RUN en sont les exemples les plus connus. Le Réseau Urbain Neuchâtelois, contrairement à ce que dit l'article de SolidaritéS, n'a pas été taillé sur mesure pour plaire à la Confédération et obtenir le subventionnement du TransRUN - le réseau de transports en commun global du canton de Neuchâtel. Initialement, le RUN est un instrument de développement permettant de mieux coordonner les communes dans diverses tâches à effectuer nécessairement en commun, en particulier au niveau de l'aménagement du territoire, des transports ou encore du développement économique, mais aussi par exemple, comme l'a montré le rapport sur le réseau des trois villes, pour encourager une vision commune au niveau culturel et partager les charges de structures trop lourdes pour être mises en place par une seule entité. Le RUN sert également un dernier point, souvent peu médiatisé sous cette forme : permettre aux communes d'être plus fortes face à l'Etat en se regroupant. Mais c'est là que le bât blesse. Les structures intercommunales diverses et variées qui ont été créées ces dernières années présentent un important déficit démocratique. Le RUN est par exemple pour moi une structure très technocratique et relativement opaque, qui n'a que peu de comptes à rendre et qui est très mal comprise par la population (et d'ailleurs par une grande partie du monde politique).
La proposition "Un canton, Une commune" n'est pas censée apporter une réponse complète et appropriée à l'ensemble des problèmes décrits plus haut. Nous l'avons dit dans notre intervention "nous lançons une réflexion et proposons d’examiner sérieusement les avantages et les désavantages de [cette] vision. Nous sommes conscients que la première révolution doit se dérouler dans les têtes afin que notre canton se donne les moyens d’affronter cette question. Nous n’entrerons pas plus dans les détails puisqu‘à ce niveau tout reste à inventer." Je peux parfaitement adhérer à l'idée de Robespierre qu'il faut "Laissez aux individus, laissez aux familles le droit de faire ce qui ne nuit point à autrui." et c'est aussi dans ce sens-là que notre proposition peut être prise (attention toutefois à ne pas confondre la liberté individuelle telle que voulue par Robespierre avec des aspects plus institutionnels qui gèrent les outils qui permettent la vie en commun). D'abord parce que notre proposition n'est pas la fusion de l'Etat et des communes au sein d'une seule entité. Notre canton pourrait parfaitement être imaginé sous forme de villages et de quartiers des villes qui ont une autonomie, qui peuvent décider des projets qui les touchent très directement, et d'instances supérieures qui gèrent les questions qui touchent aux agglomérations ou aux régions ("tout ce qui [...] tient [...] essentiellement à l’administration générale de la République", pour reprendre Robespierre). Une vision plus flexible de nos institutions avec un avantage indéniable, les rendre plus transparentes et démocratiques pour permettre à la population de se réapproprier le pouvoir et de décider pour elle-même.

