Une alliance de centre-gauche pour sortir de la crise économique
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Le système politique suisse a cela d’étrange que l’élection de son gouvernement s’apparente souvent plus à une partie de poker, souvent menteur, qu’à une véritable élection basée sur un programme politique. Les derniers scrutins renforcent encore cette vision d’un Conseil fédéral élu selon des rapports de force qui ne tiennent plus compte des enjeux réels. L’élection en octobre d’un remplaçant à Pascal Couchepin au Conseil fédéral est l’occasion rêvée de revoir notre fonctionnement et de proposer autre chose qu’une nouvelle élection décidée à la hâte la nuit précédente, ou basée, comme le montre les premières discussions, sur des stratégies partisanes à moyen terme qui ne font que bloquer la situation.
La triple crise écologique, sociale et économique que traverse aujourd’hui notre monde n’a pas d’égale, sinon celle qui a eu lieu dans les années 1930. A cette époque déjà, la Suisse n’a quasiment rien fait pour en sortir. Elle a privilégié sa place financière au détriment d’une économie largement exportatrice, en conservant l’étalon-or et en privilégiant un franc suisse fort. Les exportations ont chuté de plus de moitié et il a fallu attendre septembre 1936 pour qu’enfin le Conseil fédéral prenne en main la situation et décide de dévaluer le franc suisse de plus de 30%. Va-t-on faire aujourd’hui la même erreur et attendre que la situation s’empire au-delà du raisonnable pour prendre les devants et proposer des solutions ?
L’été doit porter conseil aux partis pour élaborer une véritable vision, pour que le Parlement et le Gouvernement travaillent main dans la main pour résoudre cette crise et préparer l’avenir de notre pays. Les rapports de force aux chambres sont tels qu’une coalition de centre-gauche doit voir le jour et prendre les décisions qui s’imposent durant les deux années qui restent à cette législature. Cette coalition formée du PDC, du PS et des Verts doit s’unir autour d’un programme progressiste et élire un Conseiller fédéral qui le mette en œuvre avec ses collègues issus de ces partis, avec l’aide de la majorité du Parlement.
Christian Levrat et Alain Berset avait théorisé cette manière d’imaginer le Conseil fédéral dans un livre (« Changez d’ère » aux éditions Favre) paru avant les élections fédérales de 2007. Ce livre était sous-titré « Pour un nouveau contrat gouvernemental » et proposait une alliance PDC-PS-Verts sur un contrat de législature dont le premier axe était une véritable politique conjoncturelle, une politique dont nous aurions aujourd’hui besoin plus que jamais.
Les défis sont innombrables. La situation économique est catastrophique, en particulier pour les régions exportatrices, et les réponses attendues doivent être globales et de grande ampleur. Une économie plus solidaire et plus écologique doit être mise en œuvre afin de répondre aux problèmes économiques, environnementaux et sociaux que nous connaissons. Les assurances sociales doivent être assainies et ainsi pérennisées. L’accent doit être mis sur l’éducation et la formation, les transports publics et les énergies renouvelables.
En 1930, la crise n’a pas touché la Suisse aussi rapidement qu’ailleurs, mais ses effets se sont fait sentir bien plus longtemps. Les erreurs du passé ne doivent pas être répétées, l’élection du Conseil fédéral ne peut donc pas être prise à la légère. Un Gouvernement de crise fort, avec un Parlement qui le soutienne est une des clés du succès. Le PDC, le PS et les Verts ont ensemble la force nécessaire pour prendre cette décision historique et orienter la politique suisse pour sortir durablement de la crise économique, sans retomber dans les travers qui nous y ont conduits. Il est peut-être temps de fédérer le centre-gauche dans une coalition, même si cela implique de revoir notre manière de fonctionner.

