Une liqueur au goût amer
Le concept du Cassis de Dijon est simple : permettre l'afflux de produits européens bon marché sur le marché suisse. Les partisans parlent de supprimer les entraves techniques au commerce et de favoriser la libre circulation des marchandises entre l'Union Européenne et la Suisse (et pas l'inverse, comme on le verra plus loin). Personnellement, je penche plutôt pour une mesure globalisante supplémentaire, une mesure à sens unique. Après d'âpres discussions, les Verts ont finalement décidé de suivre les référendaires. Explications.
L'historique de ce concept économique au doux nom de liqueur dijonnaise est simple. A la fin des années 70, l'Allemagne a voulu bloquer l'importation de cette boisson pour une raison : son taux d'alcool ne correspondait pas à la législation allemande. La cours européenne de justice en a décidé autrement. Dans son arrêt, elle met en avant que la liqueur étant acceptable selon la législation française, elle devait également l'être pour la législation allemande, sous peine d'être une insupportable barrière au commerce. L'exemple est loufoque, mais ses conséquences le sont moins.
En résumé, la Suisse s'impose à elle-même l'importation sans contrainte de toutes marchandises produites légalement au sein de l'UE, à quelques exceptions près. Elle l'a fait de manière unilatérale parce qu'elle n'est pas membre de l'UE. Et à l'avenir, elle n'aura donc aucun moyen d'influencer les décisions sur ces questions. Un bel autogoal.
En Suisse, depuis des décennies, nous avons mis en place les normes parmi les plus strictes au monde en ce qui concerne en particulier les produits alimentaires. On ne produit pas n'importe quoi dans n'importe quelles conditions, en particulier au niveau écologique et social. Certains pays de l'UE n'ont malheureusement pas les mêmes normes, ce qui leur permet en particulier de vendre les mêmes produits à des prix bien plus bas. L'objectif du Conseil fédéral est limpide : inonder le marché suisse de produits cheap en provenance du marché européen. C'est pour lui une lutte contre la vie chère, pour reprendre le slogan d'une chaîne de supermarchés français.
Malheureusement, si ce voeu semble pieu, il est destructeur pour notre économie, en particulier pour le secteur agricole, car nous ne pouvons et ne voulons pas abaisser nos normes et parce que nos produits, vu notre taille, n'iront jamais envahir le marché européen. Ce projet est également destructeur parce qu'il créera un situation de dumping social et écologique insupportable, en présurant notre environnement et nos salaires.
Pour toutes ces raisons, je vous prie de bien vouloir signer le référendum.
PS : Je me souviens amèrement d'un film Erwin Wagenhofer, "We Feed the World" (le marché de la faim). Si vous ne l'avez pas vu, il est disponible sur Google Video en trois parties. Voici la première (vous trouverez les trois autres à la fin de la première partie).
Ce film se passe de mots...

