Au trou le commandant de corps!

Je m'en souviens encore comme si c'était hier. Après quatre mois pénibles d'école de recrue, j'ai décidé au début des années 2000 de rejoindre les rangs du service civil, histoire d'aider la société plutôt que de glander en treillis dans la campagne fribourgeoise. A l'époque, faire une demande pour être civiliste plutôt que soldat n'était pas si simple. Il fallait prouver une incompatibilité morale, religieuse ou autre avec l'armée. La première phase demandait à l'aspirant civiliste de rédiger une lettre de motivation et d'annoter son curriculum vitae pour y montrer qu'elles étaient les étapes de sa vie qui ont conduit à son incompatibilité avec l'armée. Ces documents envoyés à l'armée, l'aspirant était convoqué à Thoune pour un examen "approfondi" par une brochette de spécialistes, principalement des psychologues, qui, dans mon cas, ont statué positivement sur le cas "Fivaz". Bref, les démarches n'étaient pas simples et l'heureux élu se retrouvait finalement à devoir faire une fois et demi la durée normale du service militaire.

Cette complexité a été levée il y a peu, le fait de passer une fois et demie plus de temps au service étant considéré comme une "preuve par l'acte". Une victoire pour ceux qui pense que l'homme doit pouvoir choisir entre un service militaire traditionnel et un service civil plus orienté vers l'aide à la société.

Mais voilà, c'était à prévoir et c'est réjouissant, le nombre de demandes explose depuis lors. D'où ce matin la diatribe acide du Commandant de corps (vous savez, ces mecs avec pleins d'étoiles sur les épaules) Blattmann, le "chef" de l'armée : "l'armée perd beaucoup trop d'éléments dont elle aurait besoin" à cause du service civil. D'abord, j'ai envie de dire "de quoi je me mêle", est-ce le rôle du chef de l'armée de défendre sa pitance contre l'avis du monde politique? Mais surtout, dire que le doublement du nombre de demandes (de 2000 environ dans l'ancien régime à plus de 4000 aujourd'hui) met quasiment en péril l'armée, c'est un peu exagéré. Surtout, dire que la preuve par l'acte est une injure aux soldats de milice, c'est indécent. 450 jours de service civil, ce n'est pas rien comparé au 300 du service militaire - qu'il est d'ailleurs possible de faire en une traite contrairement aux jours de service civil.

Alors, Commandant de corps Blattmann, je vous réponds. Ce qui est une injure, c'est justement de penser que la preuve par l'acte n'est pas sérieuse. C'est une injure pour tous ceux qui font l'effort d'aider la société plutôt que de se trouver un bobo quelconque pour ne pas aller mitrailler des sapins. Où je travaille, nous formons chaque année des civilistes qui apprennent sans doute plus ici que dans un bunker pourri.

Dire en plus que le but du service civil est d'occuper des gens en leur faisant faire des choses inutiles (ou qui peuvent être effectuées par des privés), c'est une honte - surtout que c'est traditionnellement le rôle qu'on donne à l'armée. Je suis dans le cas que vous citez, j'ai passé quelques mois au muséum d'histoire naturelle de Neuchâtel à "installer un musée" et je peux vous dire que fraichement sorti de mon Université, ça m'a fait du bien de faire de la peinture, d'imaginer un concept avec d'autres. Une école de la vie en quelque sorte. Une expérience que ne m'a en tout cas pas apporté l'armée, trop occupée à éviter que les recrues rentrent alcooliques et abruties de leurs longs mois de service.

Monsieur le commandant de corps, vous méritez de passer votre fin de semaine au trou et qu'on vous enlève vos permissions!

« L'inamicale de Bologne-sur-mer... Mais ils sont oùùùùùù ? »