Au-delà du volcanisme
L'éruption de l'Eyjafjöll remplit les médias depuis bientôt une semaine. Qu'on aime ou pas le côté sécuritaire de la fermeture des espaces aériens, cet épisode vient nous rappeler à quel point notre société globalisée est dépendante d'une industrie ultra polluante pour (sur)vivre.
Aux Etats-Unis, on estime que chaque avion qui se pose en provenance d'un autre pays rapporte environ un demi million de dollars en dépenses des passagers, soit de quoi soutenir le travail annuel d'environ 5 personnes. Les pertes accumulées journellement permettraient de créer 6'000 postes de travail. Ceci montre l'impact majeure global en termes sociaux qu'a le trafic aérien. Economiquement parlant, le grounding est un désastre pour bien plus que les seules compagnies aériennes. Mais c'est sans doute le prix à payer, en particulier en occident, de notre dépendance vis-à-vis de la globalisation des échanges commerciaux, en particulier si l'on regarde à quel point nous avons délocalisé la majeure partie de nos industries de production.
En Suisse, la Migros semble être à court d'asperges vertes. La plupart viennent des Etats-Unis et du Mexique par avion. Idem pour les filets de thon frais en provenance du Vietnam et des Philippines, les ananas, les papayes, etc. Certes, et alors? D'après la Migros, nous sommes en fait en pleine saison des asperges vertes. Cela montre à quel point la facilité du transport aérien bon marché nous a fait oublier qu'il existe une production locale d'asperges qui, elles, sont au moins véritablement de saison.
Fleurs, légumes, poisson, diamants, chocolat, système postal, on pourrait continuer à donner des exemples sur des pages et des pages. Une chose est sûre, si nous devions un jour nous passer du transport aérien, le désastre serait total.
Selon une étude Transport & Environment, le transport aérien est responsable de 4 à 9% de l'impact global des activités humaines sur le climat (outre le CO2, on peut citer la production d'oxydes d'azote ou la formation des cirrus). C'est le mode de transports le plus polluant, celui qui augmente le plus et celui qui est aujourd'hui le moins régulé par, par exemple, les contraintes du protocole de Kyoto. Avec la diminution des réserves mondiales de pétrole ou simplement l'augmentation, à moyen terme inéluctable, du coût des énergies, ce mode de transport sera de plus en plus sous pression.
Cette "crise volcanique" devrait nous faire réfléchir à notre dépendance vis-à-vis de l'aviation pour tout ce qui touche à nos vies et devrait nous faire reconsidérer le problème de la globalisation sous l'angle d'une diminution de cette dépendance, par exemple à travers des mécanismes qui permettent une relocalisation de notre système économique. Cette crise est sans doute aussi là pour nous rappeler à quel point l'ensemble de notre système est tributaire de la nature pour fonctionner.