Le livre n’est pas une marchandise

[caption id="attachment_806" align="alignright" width="231" caption="Source: Wikipedia"][/caption]

La question du prix du livre que le peuple tranchera le 11 mars prochain est passionnante. C’est un bel exemple de dysfonctionnement de la concurrence et des ravages de la libéralisation. Jusqu’au milieu des années 90, le prix du livre était régi en Suisse romande par une  association professionnelle (éditeurs, diffuseurs et libraires). Le prix des ouvrages, en particulier ceux importés depuis la France, suivait assez précisément les fluctuations des taux de change. Le prix indiqué au dos des livres des éditeurs français (qui connaissent une situation de prix unique depuis la Loi Lang de 1981) correspondait grosso modo au prix payé en Suisse. Et ceci que ce soit dans une petite librairie ou une grande surface. Ce système volontaire permettait ainsi d’entretenir un réseau dense de librairies.

En 1992, la Commission de la concurrence, dans son élan de dérégulation, a cassé cette association sans réfléchir et a, de fait, transféré la compétence de fixer les prix à un oligopole de diffuseurs [1]. Le prix au dos des livres et le prix payé ne correspondent plus depuis, le second est le témoin de la volonté de s’enrichir des diffuseurs. Bien joué ! Autre conséquence de la dérégulation : les librairies indépendantes ont commencé à fermer les unes après les autres face à la concurrence des grands, en particulier de la Migros (qui soutient financièrement le référendum). D’autres librairies sont passées en mains de marchands d’armement (et éditeur).

Jusqu’à aujourd’hui donc, les lecteurs ont du s’accommoder de prix très élevés tout en voyant s’amoindrir l’offre ; exactement l’inverse de ce que nous enseigne les canons du libéralisme. La concurrence a échoué. Ce sentiment est exacerbé avec le franc fort : les diffuseurs n’ont pas adapté les prix au taux de change et ce sont les libraires et leurs clients qui en ont fait les frais.

L’objectif de la Loi est de corriger les problèmes que nous connaissons, en particulier en soumettant très fortement les diffuseurs à la loupe de Monsieur Prix. Presque tous nos voisins européens connaissent une situation de prix fixé (France, Allemagne, Autriche en tout cas). Au-delà des arguments purement économiques, la fixation du prix livre revient à refuser que le livre soit considéré comme une banale marchandise. C’est un bien culturel dont il convient de protéger la diversité.

LE  11 MARS, DITES OUI A LA LOI SUR LE PRIX DU LIVRE

[1] Les ententes cartélaires sont néfastes lorsqu’elles permettent de maintenir des prix élevés pour l'enrichissement inconsidéré d'une minorité ; elles sont toutefois à conserver (et à contrôler étroitement) dans des situations où la structure économique sous-jacente ne permet pas le jeu de la concurrence (situations d’oligopole).

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