Fiscalité des entreprises, du bon, du moins bon

Avec plus de 7 heures de discussions, le débat du Grand Conseil sur la fiscalité des entreprises a été fleuve et riche en rebondissements. Le score final est presque inattendu, 99 pour, 10 contre et 4 abstentions. Et, fait rare, le vote final s'est fait de manière nominative.

J'ai déjà eu l'occasion dans plusieurs billets précédents de soulever les problèmes de la loi, le plus important étant que Neuchâtel renforce la concurrence entre les cantons, en baissant son imposition des bénéfices des entreprises au point d'être potentiellement en 2016 - si les autres cantons ne réagissent pas - le 4ème canton au niveau suisse avec un taux global (canton, communes et confédération) de 18,5%, derrière Lucerne, Obwald, Schwytz et Appenzell Rhodes-Intérieures, mais devant Zoug par exemple. Sur les holdings, Neuchâtel sera premier à égalité avec Lucerne. Les problèmes de la concurrence sont nombreux, en premier lieu parce qu'elle incite à une spirale vers le bas qui rend de plus en plus difficile le bouclement des budgets et le maintien des prestations à la population. Neuchâtel a été durant longtemps un acteur fort dans le système de concurrence, en allégeant ou exonérant d'impôt un nombre impressionnant d'entreprises (selon l'arrêté Bonny). C'est d'ailleurs la raison qui lui permet de baisser autant son taux aujourd'hui. Avec plus de la moitié des bénéfices des entreprises du canton qui ne sont pas taxés, il était facile pour le canton de diminuer de moitié son taux.

Mais c'est un point positif, Neuchâtel va presque entièrement supprimer les allègements, qui ne seront plus qu'octroyés pour des cas particuliers. Notre groupe voulait totalement supprimer cette possibilité, mais cette proposition n'a pas eu grâce auprès des autres groupes. Nous avons toutefois fait passer un amendement demandant que la commission de gestion et finances ait annuellement un compte-rendu afin de suivre la situation. Cette suppression est positive car elle rend les entreprises du canton plus égales face à l'impôt.

Le canton de Neuchâtel vit une situation particulière : l'impôt des entreprises sera parmi les plus bas de Suisse alors que l'impôt des personnes physiques, vous et moi, sera toujours parmi les plus élevés. C'était une raison importante pour être de mauvaise humeur lors du débat d'entrée en matière. Surtout qu'une partie des modifications de la loi portait justement sur les personnes physiques, en l'occurrence la diminution de la double imposition des dividendes. Tous les cantons de Suisse ont adopté des dispositions allant dans ce sens, sauf Neuchâtel. Si cette réforme peut ainsi sembler logique, elle aurait dû s'inscrire dans une réforme globale de l'imposition des personnes physiques. Ce qui sera fait puisque le Grand Conseil a accepté de repousser l'entrée en vigueur de cette disposition au 1er janvier 2013, date à laquelle une réforme global de l'imposition des personnes physiques devrait être adoptée par le Grand Conseil (la Confédération nous y oblige), et ceci en particulier les familles et la classe moyenne, très touchées aujourd'hui.

Un dernier point positif pour la population, en particulier les familles, cette loi est liée à la Loi sur l'accueil des enfants qui sera traitée dans un mois. Espérons que ceci permette au canton de sortir de sa situation de dernier de classe en matière de crèches et d'accueil extra-scolaire. Réponse fin septembre.

Les inconnues restent toutefois nombreuses. D'abord, personne ne peut être sûr des effets de ces modifications, en particulier lorsqu'on nous promet près de 40 millions de rentrées fiscales supplémentaires en 2011 déjà.

C'est un sentiment bizarre toutefois qui reste après l'acceptation de la loi. Le Grand Conseil a en quelque sorte été l'otage du Conseil d'Etat qui semble avoir signé des engagements avec les entreprises sur le taux de 5%. Changer ce taux (ce que nous voulions faire afin de diminuer l'impact du canton sur la concurrence fiscale) aurait impliqué que les entreprises ne se seraient plus senties liées à leurs engagements. C'est à mon avis un déni du rôle du Parlement et on peut espérer que cette manière de faire ne devienne pas la norme.

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